Portrait de Pepe Diaz
L’Economie Distributive (ED) est aujourd’hui peu médiatisée. Il existe tout de même quelques initiatives. En Espagne, Pepe Diaz vient de lancer une dynamique fort intéressante. Faisons connaissance avec Pepe.
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Le Colibri : Que faites-vous de beau dans la vie ?
Pepe Diaz : Très belle question qui, tenant compte de l’adjectif beau, m’évite de parler travail même si celui que je fais m’est agréable. Ce que je fais de beau actuellement, c’est d’offrir autant à ma mère qu’à ma belle-mère, toutes deux bien âgées et dépendantes, le plaisir de se sentir chez moi comme chez elle, et de profiter ensemble des quelques dernières années qui leur restent, loin des centres de parcages pour vieux dont le seul but est de générer du bénéfice.
Plus généralement, je suis originaire d’un village situé entre deux mers (Atlantique et Méditerranée) en plein détroit de Gibraltar au fin fond de l’Andalousie (province de Cadiz), et je suis installé depuis de nombreuses années dans les alentours de Málaga, capitale de la « costa del sol ».
Depuis mon domicile, perdu entre orangers, loin des bruits et pollutions de la ville, dans une maison rustique très typique d’Andalousie, je concilie vie et travail d’infographie, grâce à une connexion Internet par onde (car ici l’adsl n’arrive pas), un téléphone par i2p et bien sûr le portable, ce qui me permet d’être en contact permanent avec les clients, même en étant un peu éloigné de la capitale. Une partie de la maison est aménagée comme atelier pour me permettre d’effectuer les différentes commandes allant d’une impression digitale, à de la « rotulation »1 d’une vitrine ou d’un véhicule, tout en passant par le merchandising. Tout se fait ici, depuis la conception par ordinateur jusqu’aux marquages des différents articles publicitaires. Mais au rythme où l’activité décroit, je serai bientôt chômeur sans droit et vivrai de 4 bricoles…
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LC : Comment avez-vous connu l’ED ?
PD : J’ai connu l’ED à travers le réseau social facebook, et ses divers engrenages qui petit-à-petit, url par url, m’a fait connaître le Colibri Solidaire et Distributif à travers l’ASCOP et les Citoyens du Monde2. Le condensé sur l’Économie Distributive, au départ, me semblait un peu lourd. Mais au-fur-et-à-mesure que je progressais dans sa lecture, je me rendais compte que cela correspondait parfaitement avec ma vision d’un autre modèle de société, que je n’étais plus seul à croire que l’on pouvait réellement créer une alternative au système capitaliste, sans tomber dans les erreurs du passé.
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LC : Qu’est-ce qui existe dans votre région/pays pour assurer la promotion de l’ED ?
PD : A ma connaissance, il n’existait rien en Espagnol, je suis le premier. Mais pas le dernier ! J’ai d’énormes espoirs que l’ED soit le bastion du mouvement anticapitaliste en Espagne, après la rencontre du 1er au 4 avril à Ruesta en Saragosse (où vont se retrouver différentes organisations de la péninsule ibérique et alentours (Portugal, France, et tout ceux qui se considèrent suffisamment proche pour venir) optant pour vivre hors du capitalisme).
Pour l’instant, j’utilise les moyens modernes présents à travers internet. Je gère un groupe sur facebook en espagnol qui explique ce qu’est l’ED (www.facebook.com/group.php?v=wall&gid=192833832136), et aussi un peu d’économie en général sur la situation actuelle. Cette page permet de faire connaître l’ED aux hispanophones.
J’ai aussi ouvert deux réseaux de débat sur l’ED, un en français (http://pouruneeconomiedistributive.ning.com) et un autre en espagnol (http://economiadistributiva.ning.com), reliés par rss, plus engagés, où chacun peut apporter ses idées et en débattre.
Je considère fb comme une page publicitaire et les réseaux comme des assemblées virtuelles de débat et de proposition, l’une complétant l’autre.
De ces ensembles virtuels, commence à prendre jour un groupe de personnes « pour une Économie Distributive» formant un mouvement qui a permis que l’ED soit acceptée comme alternative au système capitaliste lors de la rencontre de Ruesta. Dans ce cas nous passons du virtuel au réel.
Par ailleurs, j’ai également traduit en Espagnol le site internet d’Eric Goujot http://ecodistributive.chez-alice.fr.
Malheureusement, ma situation familiale actuelle et mes obligations professionnelles ne me permettent pas de m’investir d’avantage. J’agis comme la plupart des citoyens, avec le peu de temps libre qui me reste.
La promotion de l’ED, comme toute chose en ses débuts, est lente et difficile. Je peux citer cette association d’étudiants en économie, qui s’autoproclame « critique » : les réponses de ses membres ont été assez diverses, mais aucun n’a reconnu l’intérêt de découvrir l’ED, croyant que tout est déjà fait et qu’il n’y a rien de mieux que la décroissance. Néanmoins, je continue d’avoir des échanges avec leur professeur qui me demande de le tenir au courant sur le développement de l’ED.
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LC : Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans l’ED ?
PD : Je ne peux répondre en disant qu’une partie me plaît plus qu’une autre, car il s’agit d’un tout, d’un ensemble. J’apprécie à la fois son objectif, ça façon de le gérer, et sa capacité de faire face de façon durable aux défis qui se présentent à notre société.
Son objectif :
Ce système économique permet une véritable égalité entre les gens. Nous passons d’une supposition où tout le monde a une soi-disante égalité d’opportunité (nous savons tous combien c’est faux et combien ça dépend de la situation et du portefeuille de papa) au fait accompli d’une égalité de résultat.
Autre inégalité résolue, la distribution du partage de la richesse. Ce système permet enfin de rompre avec une énorme injustice de ce monde : rompre avec la loi de Pareto, celle qui définit que 20% de la population possède 80% de la richesse. Enfin affranchis de cette règle, nous avançons vers une égalité réelle où la richesse est collective et son partage équitable.
Ceci sous la tutelle d’une démocratie qui garantie les principes de liberté, égalité, fraternité.
Son mode de gestion :
Le rôle de la monnaie qui n’est autre que la forme de distribution des produits et services, sans intérêt, sans spéculation possible et surtout sans possibilité d’attaque par le marché, car elle a une valeur fixe. Je dirais que c’est une monnaie de singe ou jeton. Son rôle est de sauvegarder un équilibre entre consommation et production, ce qui évite les tracas du système actuel.
La liberté d’entreprendre, car c’est cela qui permet qu’une société avance, soit moderne technologique et scientifique, tout en respectant les écosystèmes – car ici l’empreinte écologique est pris en considération –. Bref qu’elle réponde aux besoins réels des personnes tout comme de leur entourage.
Le contrat civique et le salaire social, qui permet d’exclure définitivement la pauvreté tout en respectant les droits de chacun.
Sa capacité de faire face aux défis :
Les grands défis actuels de notre société sont le chômage, le partage des richesses, les garanties de bien-être et de stabilité socioéconomique tout au long de la vie pour tout le monde, la décroissance (ce terme est réellement très mal employé, surtout appliqué en ED), les crises cycliques ou systémiques. Et aussi la possibilité enfin d’avancer vers une société qui maîtrise les technologies et sciences grâce au fait de ne plus dépendre des banques pour construire les voies de communication, infrastructures, hôpitaux, services de santé… et la recherche scientifique qui ne dépend plus d’une rentabilité économique mais des besoin réels de notre société.
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LC : Vos espoirs ?
PD : Je serai très bref : à longue échéance, voir un jour le monde respirer libre des assouvissements que nous inflige le système actuel avec comme base une Économie Distributive.
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Propos recueillis par Eric Goujot
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1 insertion des dessin logo et légende
2 Assemblée Consultative auprès du Congrès des Peuples, des Citoyens du Monde : http://recim.org/ascop
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publié le 21/04/2010
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