Brigitte Carraz : l’Économie Solidaire dans les actes !
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L’Économie Distributive (ED) inspire-t-elle tes actions?
Je ne sais pas si je suis « inspirée par l’ED » mais pour moi, l’essentiel est de m’impliquer dans des situations concrètes, de contribuer à construire, toujours avec d’autres.
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Certains pourraient dire que tu es une rebelle?
Je suis en tous cas quelqu’un qui n’admet pas que les évènements lui tombent dessus, décident à sa place. Lorsque j’étais parent d’élève de primaire, j’ai entraîné les parents à refuser l’absurdité d’un système de remplacement : à chaque motif d’absence, un autre remplaçant ! Alors qu’il s’agissait de la même enseignante, successivement malade, puis en congé de maternité. L’inspectrice a eu beau nous opposer le sacrosaint règlement, les parents ont tenu bon, et ont eu gain de cause. Et à partir de là, les conseils d’école ont été considérés, par cette inspectrice, comme de réels partenaires. C’est probablement cette action qui m’a définitivement convaincue qu’on n’était pas obligé d’accepter l’absurde et qu’on pouvait agir collectivement.
Ainsi je me suis engagée en politique après une action commune avec quelques citoyens, habitants du quartier, pour obtenir l’aménagement d’un carrefour dangereux devant l’école maternelle. Dans cette petite commune, des habitants dans la rue, ça ne s’était jamais vu ! Devenue adjointe , il m’a semblé évident que la mixité sociale devait être au coeur des préoccupations, et concrètement, qu’il fallait faire avec tous, dans tous les quartiers, et pas seulement répondre à des problèmes ponctuels. Ceci en s’appuyant sur la participation des habitants, et donc préalablement, en la suscitant !
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Oui, je suis impliquée dans l’ED, un peu sans le savoir !
En tant que directrice générale de l’association Marguerite SINCLAIR, qui comporte 11 services allant de l’IMPRO (formation de jeunes déficients intellectuels) à une Entreprise Adaptée et des services tous liés à l’autonomie des personnes, j’ai acquis une certitude : il faut du temps à tout individu, un temps qui lui est propre, et qui n’est pas forcément le temps du dispositif qui lui est destiné. Dans l’économie traditionnelle, il faut savoir jongler avec les dispositifs. En ED, un revenu de base décent permettrait de sortir de ces contraintes.
Idem pour les structures de l’insertion par l’activité économique : à Lutterbach, petite commune, nous avions tout le panel de ces structures mais pour autant, nous avons continué à dénoncer les mesures proposées, le type d’emploi offert. En effet, comment vivre avec un demi SMIC ?
Aujourd’hui, à la retraite de mon activité professionnelle, je continue à me battre pour la mixité sociale : c’est le plus difficile car chacun reste spontanément dans son cercle. Le regard porté sur l’autre, la reconnaissance de ses propres compétences et de celles d’autrui : c’est ça qu’il faut arriver à mobiliser. Pour exemple, ce demandeur d’emploi, qui a accepté de devenir président d’une association de chômeurs et de personnes en précarité : d’abord inquiet, mal à l’aise dans les réunions, voilà qu’il est devenu un porte-parole écouté, respecté. Ce fut long ; il a pris le temps, a été tenace. Nous l’avons soutenu, lui avons porté un regard valorisant. Il nous a fait confiance, puis s’est fait confiance.
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Mes espoirs?
La société a évolué positivement, plein de « petites » choses existent à travers le monde et en France. Des tas d’expériences, des forces vives, qui changent les choses localement. Ce terreau permet de faire émerger d’autres choses encore, de créer des réseaux, d’essaimer, de se former collectivement et réciproquement. De plus en plus nombreux, nous arriverons à ce que cette dichotomie entre société « des restos du coeur » et société « normale » disparaisse au profit d’une seule société, ouverte, généreuse, qui offre à chacun une place pour déployer ses talents.
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Propos recueillis par Sylvie Grucker
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publié le 11/01/2012
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