Démocratie active : 40 ans de pratique à Vandoncourt
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Il existe plusieurs niveaux de démocratie et nous connaissons tous très bien son expression la moins haute : la version représentative, puisque c’est le modèle en vigueur dans nos institutions. A l’échelle locale, quelques villes dans le monde ont expérimenté des modèles de démocratie plus participatives dites directe ou de co-création : Porto Allègre au Brésil, Marinaleda en Espagne… Voici Vandoncourt, dans le Doubs.
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Vandoncourt semble être l’exemple de gouvernance participative la plus élevée et, depuis 40 ans, ses 820 habitants continuent l’expérience avec succès. Ainsi, les citoyens sous la bienveillance de leurs Maires et Conseillers municipaux, décident et gèrent leur commune dans le respect de la Constitution française. Les compétences de la Mairie sont réparties en 8 commissions extra municipales comptant chacune une douzaine d’inscrits. Ils se réunissent une fois par mois pour faire avancer les dossiers et accueillent, à titre consultatif, les référents du Conseil municipal, des personnes âgées, des Jeunes et des Associations qui sont également là pour relayer l’information et faire remonter les besoins de la population. A l’issue de chaque réunion, les Conseillers municipaux informent le Maire des décisions prises pour qu’il les entérine.
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C’est tranquille d’être Maire à Vandoncourt me direz-vous ! Oui et non, car celui-ci s’occupe de la partie administrative en lien avec les institutions et de la représentation de sa commune. Il recherche les financements, participe à la communauté d’agglomération de Montbéliard et assume toutes les décisions. Il veille aussi au bon fonctionnement du système.
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Mais puisque la commune se développe harmonieusement et que les Damas font des envieux dans les environs, pourquoi les 28 autres villages de la Communauté d’agglomération n’ont-ils pas adopté ce mode de gouvernance ? C’est pas faute d’avoir essayé pour certains ! mais sans réussir à garder la dynamique plus d’un mandat électoral. A Vandoncourt, on vous dira que c’est sans doute parce que leur taille n’était pas idéale, ou qu’ils n’ont pas réussi à trouver comment gouverner ensemble ou encore que le contexte porteur dont ils ont bénéficié n’y était pas, ne leur permettant pas de dépasser les difficultés qui sont bien réelles. Alors, comment les Damas ont-ils fait ?
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Au début de l’aventure qui commença un an avant les municipales de 1971, Jean-Pierre Maillard-Salin et son compère, jeunes retraités de retour au village, décident de créer une liste dissidente s’inspirant du modèle des conseils de villages malgaches : un sondage pour connaître les aspirations des habitants, une définition claire de leur stratégie bien relayée par des slogans choc : « Vos souhaits seront notre programme ! » ou « Voter pour nous c’est voter pour vous ! ». Tout gérer sur la base du bon sens car on est plus intelligent à plusieurs que seuls, c’est la science du « Nous ». Et hop, 11 élus d’un coup ! Pourtant, cet engouement n’a pas empêché les difficultés et l’usure de s’installer. Au fil du temps, les habitants ont dû apprendre beaucoup de choses. En premier lieu, rendre leur système conforme à la législation. Ensuite peaufiner l’art d’administrer ensemble malgré les divergences, apprendre à exprimer et entendre des points de vues divergents… Tout cela les a conduits à avancer par consensus. Enfin, pour se préserver des luttes de pouvoir et autres magouilles « tue démocratie », ils ont inventé des garde-fous. Plusieurs personnes détiennent et transmettent l’information, toutes les critiques sont publiées, les courriers reçus par le Maire sont accessibles à l’équipe municipale. Résultat, la dynamique ne s’est pas arrêtée avec son initiateur : 40 ans et 2 maires plus tard, elle est toujours en vigueur : ça fait envie !
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Au-delà de cette belle expérience, ce qui apparaît essentiel car fondateur, c’est que les dirigeants officiels du Village ne semblent pas dominés par leur égo. Ils n’ont rien à prouver, rien à défendre, juste la joie de respecter leurs engagements. Ici on ne parle pas de démocratie participative directe ou de consensus, on la fait vivre chaque jour. C’est peut-être pour ça qu’il règne une atmosphère particulière, que tout coule de source et en particulier la gentillesse, l’entraide, la curiosité, l’ouverture d’esprit et une très grande maturité politique de chacun.
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Cette forme de gouvernance à déjà essaimé dans d’autres structures comme les Scop, certains CLD Comités Locaux de Développement de Pays, les « camps climat » et quelques autres rassemblements alternatifs de par le monde. Et chaque fois, des personnes venues de tous horizons réussissent l’impossible : décider, organiser et bâtir ensemble une nouvelle société plus juste. Aucun d’entre eux ne m’a dit que c’était facile, et pourtant, ce que j’ai vu c’est beaucoup de bienveillance, de joie de vivre et d’humilité en action. La démocratie participative directe étant à la fois un des principaux piliers de l’économie distributive, mais aussi le pilier le plus complexe à mettre en place, nous avons là plusieurs exemples réussis pouvant inspirer un modèle de transition vers une société distributive.
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Cathy Firmin
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De beaux fruits
Tout cela a permis de réaliser une émancipation économique du village dans le respect de l’environnement et du tissus social. Au fil du temps, l’intelligence collective a mis en place des infrastructures comme le chauffage bois collectif des bâtiments municipaux pour rationaliser les ressources de leur forêt. Cette année, ils ont inauguré le premier bâtiment municipal de France à ossature bois et remplissage paille capable d’héberger des ateliers municipaux de transformation, un pressoir et un musée. Un autre signe fort : l’exode des jeunes n’existe pas à Vandoncourt et les personnes en difficulté sont très rares parce que soutenues naturellement par la vie associative avant que les problèmes insolubles n’émergent.
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Pour aller plus loin :
Dossier sur Vandoncourt de Cathy Firmin (pdf de 15 pages)
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publié dans le n°4 de novembre 2010, mis en ligne le 08/12/2011
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