La sociocratie, ou l’alliance de l’humanisme et de la réussite
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Qu’y a-t-il de commun entre Le Cirque du Soleil, les Colibris – le Mouvement pour la Terre et l’Humanisme, l’organisation néerlandaise de partage de voitures Wheels 4 All et la compagnie aérienne American Airlines ? Ces quatre organisations appliquent au quotidien les principes de la sociocratie. Elles semblent par ailleurs toutes connaître la réussite, et ceci à tous les niveaux.
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Gérard J. Arpey, président d’American Airlines, crée en 2004 les outils pratiques permettant de concrétiser et d’adapter à sa compagnie le concept de sociocratie imaginé en 1851 par Auguste Comte (1798-1857) et développé ensuite aux Pays-Bas par Kees Booke (1884-1966) et dans les années 1960 et 70 par le Dr. Gerard Endenburg. Arpey invente une méthode permettant d’établir un partenariat entre investisseurs, gestionnaires et travailleurs, en leur donnant les moyens de développer ensemble une entreprise viable à long terme. Ainsi est créé un système de gouvernance qui permet d’adopter de nouvelles règles du jeu de la vie organisationnelle sans pour autant changer l’ordre hiérarchique ; un système dynamique, éthique et durable comparable à un être vivant qui s’auto-organise1. Ainsi est adopté un mode de prise de décisions qui garantit de bons choix auxquels tous les employés peuvent facilement s’identifier car ils y participent, font état de leurs objections et de leurs limites dont il est systématiquement tenu compte jusqu’à épuisement desdites objections. C’est ainsi que fonctionne A.A., aujourd’hui première compagnie aérienne américaine et mondiale.
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La société hollandaise Wheels 4 All d’Henry Mentink a, elle aussi, intégré la sociocratie jusque dans sa structure juridique. Le choix des modèles et leur répartition par quartier se fait avec le consentement des membres qui assurent la gestion du parc comme si les voitures leur appartenaient en propre, ce qui a entre autres pour effet de réduire les coûts. L’assemblée générale est remplacée par un cercle de gestion et trois cercles régionaux, ainsi qu’un cercle supérieur qui remplace le conseil d’administration. Les décisions finales s’imposent souvent d’elles-mêmes comme découlant naturellement du travail et des décisions de tous les cercles.
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Ce mode de gouvernance a aussi été adopté depuis 2009 par l’organisation de Colibris, avec la création d’un premier cercle, composé des 3 membres du Conseil d’Administration d’origine et 2 membres de l’équipe opérationnelle2. Puis un deuxième cercle a été créé dans l’équipe opérationnelle. On passe d’un modèle fondé sur la soumission ou la domination a un modèle reposant sur l’équivalence et la souveraineté des individus, aussi bien dans la prise des décisions que dans la cooptation de nouveaux membres. Avec toujours un double lien entre les cercles.
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Enfin, dernier exemple : le Cirque du Soleil de Guy Laliberté (noms évocateurs…!) est une « grande famille » qui « respire » la sociocratie et la met en pratique à tous les niveaux au quotidien. Ce mode de gouvernance n’est évidemment pas étranger au caractère très humaniste de l’entreprise québécoise dont la renommée de par le monde n’est plus à démontrer, et qui pourrait se décliner ainsi : éthique, responsabilité sociale, gestion de l’environnement, soutien aux jeunes défavorisés, union des initiatives artistiques, commerciales et sociales, dans le but « d’améliorer le monde ».
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De belles réalisations, mais reste la question fondamentale : la sociocratie est-elle transposable au monde politique ? A priori oui : autrefois, elle fonctionnait parfaitement dans les communautés amérindiennes d’où elle tire son origine. Par rapport à nos États-Nations, l’échelle n’est évidemment pas la même, mais il y a certainement là une piste à explorer à l’heure où les démocraties ne semblent plus en mesure de répondre correctement aux aspirations des peuples ni de prendre en compte les minorités.
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Michel Noyer3
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Le système organisationnel sociocratique repose sur quatre principes :
– Le cercle de concertation, lieu de parole et de prises de décisions de chacune des équipes de travail, et ceci à tous les niveaux. Sous-système de l’organisation semi autonome avec une mission et des objectifs clairement identifiés. Responsable de ses propres processus de travail et de l’évaluation de ses résultats.
– Le double lien, qui lie le cercle à celui qui lui est immédiatement supérieur : deux parmi ses membres (le responsable de l’unité et un membre délégué par le cercle) sont également membres du cercle immédiatement supérieur.
– Le consentement, qui signifie qu’aucune décision affectant le fonctionnement de l’unité et l’organisation du travail ne sera prise si l’un des membres y oppose des objections raisonnables, et ceci jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune objection.
– Enfin l’élection sans candidat, ce qui veut dire que ce sont les membres du cercle qui choisissent par consentement « les élus ».
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www.fr.ekopedia.org/Sociocratie
article complet de Michel Noyer « La sociocratie, un mode de gouvernance pour le XXI ième siècle ? »
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1 A l’instar du corps humain, dans une vision holistique où les organes communiquent bien entre eux, où la circulation du sang est fluide, etc…
2 Pierre Rabhi, Jean Rouveyrol et Isabelle Desplats pour le C.onseil , et pour les « opérationnels » Cyril Dion, directeur de Colibris et Alain Aubry, comme « double lien »
3 Après une longue expérience et un parcours classique en entreprise au sein de directions financières et des relations humaines, il accompagne aujourd’hui les dirigeants d’entreprise dans leur recherche d’efficacité par une approche globale des relations humaines.
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publié dans le n°4 de novembre 2010, mis en ligne le 08/12/2011
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