La classe unique a presque disparu. Pourtant, cela a si bien marché qu’aujourd’hui il existe quelques « classes de cycle » à plusieurs niveaux, en ville comme en campagne, et que cela fonctionne plutôt bien, y compris dans des situations difficiles en Seine-St-Denis ! Roger Meyer, enseignant à la retraite, revient sur une période pas si vieille que ça.
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Les lois scolaires du temps de Jules Ferry, (1880 – 1883) ont instauré la scolarité obligatoire et contraint les communes à construire une école. Même les petits villages ont fait édifier chacune l’école dont la taille correspondait aux besoins de la scolarisation de leurs enfants. La France était rurale : beaucoup de petites communes et donc autant de petites écoles qui souvent ne comptaient qu’une trentaine d’élèves, tous dans la même salle, les enfants de 6 ans jusqu’à ceux de 13 ans. Le cours préparatoire, le cours élémentaire, le cours moyen et le cours supérieur dans le même local. Voici donc cette « classe unique » dans laquelle les plus jeunes apprennent à lire, écrire et calculer. Ce que l’on appelle maintenant les fondamentaux. La campagne française était parsemée de ces petites écoles à classe unique. Le maître d’école était souvent secrétaire de Mairie ce qui facilitait les relations avec le Maire et la population.
La classe unique est une pièce importante dans la marche des enfants vers le savoir. Les cours n’ont que peu d’individus : un CP avec 4-5 élèves – Un CE1 avec 4-5 élèves, un CE2 avec le même effectif ; les CM1 et CM 2 , une dizaine d’enfants et à l’époque le Cours Supérieur.
Ces différents niveaux ne facilitent pas le travail de l’enseignant mais par contre le rendent très intéressant et aussi valorisant, car le maître est le chef d’orchestre de cet ensemble. Il ne pourra pas dire pour expliquer que ses élèves ont du retard dans tel domaine que le collègue précédent n’a pas travaillé telle difficulté : il est seul maître à bord et responsable de tout.
La tâche primordiale est l’apprentissage de la lecture du CP ; c’est celle qui demande une attention très soutenue, un travail aussi permanent que difficile mais très valorisant. Les progrès sont très perceptibles et les enfants sont heureux de progresser vers cette lecture facile des grands.
Dans une classe unique, il n’y a pas de redoublement. Le petit apprend à lire pendant le temps qu’il faut. L’enfant est à un niveau réel et non à un niveau hypothétique et prescrit. En classe unique, l’enfant est toujours pris à son niveau pour apprendre. Il n’y a pas d’échec scolaire !
Pendant que le maître travaille avec les petits, les grands travaillent seuls dans différents domaines : documents, problèmes d’arithmétiques, questionnaires sur un texte. Ils apprennent à consulter un ouvrage, à se servir d’un classeur… Quand le maître a fini avec les petits à qui il a laissé des travaux pratiques, il vient vérifier le travail des grands, contrôle le niveau de lecture de certains et lance des travaux de groupe (pour l’étude d’un problème d’histoire ou de géographie, une difficulté de grammaire…). Bref ! le maître tourne dans sa classe selon les besoins des élèves. Le maître connait le programme et construit sa progression ; si un évènement survient, il en profite pour suivre l’intérêt des enfants ; quand un enfant apporte un lapin ou un épervier dans la classe, on l’étudie… À la campagne, on est très riche en expériences et on n’est pas prisonnier d’un grand bahut à 10 ou 15 classes. Tout cela donne des motivations d’écriture, de dessins, d’illustrations, etc…
Autres gros avantages : le maître connaît bien les enfants qui eux aussi l’ont jaugé, l’ont apprécié et aimé pendant les quelques années passées ensemble. Les enfants, à force de travailler ensemble, de se dépanner, développent une disponibilité et une solidarité.
La suppression des classes uniques pour des raisons d’économie est une erreur impardonnable. La campagne ne mérite pas cela car quand l’école disparaît l’intelligence s’efface. Les petits campagnards ne doivent pas être les victimes de ces comptes d’apothicaire alors que dans d’autres domaines, moins utiles, on ne compte pas. L’instruction est le premier investissement d’une nation.
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Roger Meyer
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PS :
1) Dans ce qui précède, j’ai intentionnellement tu le problème de la méthode de lecture étant donné que selon le dicton : « Aucune méthode n’a jamais empêché un enfant d’apprendre à lire… ». Cela pourrait faire taire ceux qui attribuent tous les malheurs de l’enseignement à « la méthode globale » dont ils parlent de la façon la plus idiote.
2) Cette pédagogie ouverte demande aussi la collaboration des enseignants avec les architectes pour que la communication entre les classes facilite la circulation des élèves entre les niveaux, ce qui ferait disparaître le redoublement psychologiquement si dévastateur.
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